Depuis le 13 février 2017, A., réfugié Soudanais, interpellé à la gare Saint-Charles en descendant du train à peine quelques heures après son arrivée en france, est détenu [[Pour information : cette détention s’apparente à une détention illégale, par-dessus le marché. Si nous pouvons passer sur l’illégalité en défendant l’illégitimité totale de la détention et de la déportation – la justice française ne le peut pas, en théorie. Deux juges (Juge des Libertés et de la Détention, Juge Administratif au Tribunal Administratif) cautionnent la légalité de la décision d’expulsion et de la décision de maintien en CRA.
Or, les lois nationales, européennes comme les conventions internationales prescrivent que toute personne a le droit de formuler une demande d’asile. Arrivant dans le pays, un demandeur d’asile intercepté par la police française ne doit donc pas être placé en CRA mais envoyé à un rdv avec la préfecture pour enclencher ses démarches. Une personne arrêtée pour la première fois par la police française, qui n’a pas encore eu d’OQTF (obligation de quitter le territoire) a le droit de demander l’asile, a le droit de présenter cette demande aux autorités de police, et celle-ci doit être reçue, c’est-à-dire, la personne doit être relâchée, la police doit lui accompagner à la préfecture ou lui délivrer un rendez-vous à la préfecture, et il doit pouvoir effectuer ses démarches administratives en milieu libre.]] au centre de rétention administrative de Marseille.
LES AUTORITÉS FRANÇAISES SE MOBILISENT POUR ORGANISER SON EXPULSION.
ELLES ONT POUR CELA LE SOUTIEN TOTAL DES AUTORITÉS SOUDANAISES QUI ONT DÉLIVRÉ UN LAISSER-PASSER CONSULAIRE – document qui permet l’expulsion d’une personne qui ne présente pas de documents d’identité officiels à la PAF (police aux frontières).
A. issu d’une minorité persécutée par l’État de Khartoum risque la mort s’il est remis entre les mains des autorités de cet État.
Mais le préfet, ses hiérarchiques inférieurs et supérieurs, l’État, les agents et les juges, n’y voyent pas d’inconvéniant. « Pas de grief » dans le jargon judiciaire.
Tout va bien au Soudan, le problème c’est le Darfour, y a deux Soudans, on est un pays civilisé, quand même, il faut pas se méprendre, on renvoie dans des pays sûrs. « Le Soudan est un pays sûr ». On renvoie à Khartoum, pas au Darfour.
Peu importe le fait que le gouverneur de cet État soit poursuivi pour crimes contre l’humanité, génocide et crimes de guerre. Peu importe que si A. a dû partir c’est bien en raison de persécutions de ce même État de Khartoum qui, bien sûr, va le « réadmettre », comme il réadmet tous les opposants au régime qui lui sont présentés par la France.
Pour la prison, la torture, l’execution.
Mais ça, c’est des histoires, n’est-ce pas ? Les doutes comme les consciences sont vite évacués par le désormais classique : monsieur est un migrant économique. Pourquoi ? Ca se voit.
La Justice tranche : « ça se voit ».
Une première expulsion a été tentée la semaine passée, A. a refusé de monter dans l’avion. Sa détention au CRA a été prolongée pour permettre une nouvelle tentative d’expulsion dans un prochain avion prévu dans la semaine prochaine. Il a déposé une demande d’Asile dans le CRA – qui a été réfusée par l’OFPRA (dont les taux déjà exhorbitants de refus sont aggravés en rétention), il a fait appel à la décision auprès de la CNDA mais cet appel n’est pas suspensif, et il peut être déporté à tout moment. Et il est possible qu’une fois expulsé la CNDA lui accorde le statut de réfugié. Trop tard.
Tant pis ?
L’autre jour, un ami nous dit :
ils feraient mieux de nous tuer ici, directement, que nous renvoyer là bas.
Surpris, on demande pourquoi, et l’ami répond, là-bas, la mort, c’est certain. S’ils les tuaient ici, au moins, les familles, elles sauraient ce qui est arrivé, elles pourraient retrouver le corps, faire le deuil. Là-bas, tu ne sauras jamais comment …
La reprise des expulsions vers le Soudan comme l’Afghanistan ne sont pas anodines — elles s’inscrivent dans un contexte de delégitimation croissante des demandeurs d’asile et d’un croissant refus de leur accorder la protection asilaire. Or, afghans et soudanais composent les deux communautés nationales qui demandent le plus l’Asile en France. D’où l’intérêt de lever le tabou au sujet de leur déportation.
Une fois de plus, c’est sous notre nez, dans les rides de notre ville, ici, nulle part et pourtant un noeud du monde mondialisé, un noeud de la violence institutionnelle, administrative et banale, noeud de l’infinie et indicible violence nationale, boulevard des peintures, le CRA du Canet à cinq minutes du métro Bougainville, Marseille, quatorzième.
Une fois de plus c’est dans notre nom, notre nom du silence, le nom de ceux qui sont identifiés françaises et français, de ceux qui sont identifiés « légaux » et « légales »,
Jusqu’à quand ?
Si A. refuse sa seconde expulsion, il risque d’être jugé pour « refus d’obtempérer à une décision de justice ». Et condamné à la prison. Après la prison, retour au CRA, retour à l’expulsion.
Si A. accepte sa seconde expulsion, il va être remis aux autorités soudanaises, qu’il a fuies. Il va être remis à la mort.
Tu vois le paysage ?