Depuis le démantèlement de la jungle de Calais, et au fil des expulsions incessantes des campements installés ici et là, de nombreux demandeurs d’asile sont envoyés dans les Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO) disséminés dans toute la France. Dans ces centres dits d’« accueil », ils sont en réalité mis sous contrôle social et administratif et soumis à un véritable tri qui se solde pour beaucoup d’entre eux par un arrêt de réadmission vers le premier pays européen où ils ont été enregistrés, en vertu des Accords de Dublin III.
A Embrun, dans les Hautes Alpes, 21 demandeurs d’asile viennent de mener 10 jours de grève de la faim afin de s’opposer au renvoi en Norvège de deux d’entre eux, sous le coup de Dublin III. Il demandent la non-application de la procédure Dublin pour l’ensemble de leur groupe.
À Bordeaux, des demandeurs d’asile en procédure Dublin hébergés au CAO de Mérignac ont été enfermé au centre de rétention de Bordeaux suite à leur arrestation lorsqu’ils se rendaient à des convocations en préfecture. Ils sont 11 maintenant en grève de la faim.
De nombreuses luttes des personnes en CAO ont eu lieu depuis le début de l’année, pour demander l’annulation de l’application du règlement Dublin. Sous la pression des exilés venus de Calais, largement mobilisés, les promesses de Cazeneuse ont fini par être tenues, annulant les arrêts de réadmission. Mais pour les autres la machine à expulser continue. L’État mets en place de nouveaux dispositifs, les Programme d’Accueil et d’Hébergement des Demandeurs d’Asile (PRADHA) dont la mission sera notamment la « « préparation du transfert des personnes sous procédure Dublin et suivi, le cas échéant, des personnes assignées à résidence dans ce cadre ».
L’application des accords de Dublin signifie le renvoi dans des pays où les conditions d’accueil sont de plus en plus dégradées et les violences monnaie courante. La prise d’empreinte permettant le fichage des migrant-e-s et leur renvoi dans les pays d’arrivée est d’ailleurs imposée de force dans la plupart des cas, voire par la torture, comme le montrent les témoignages en Italie et ailleurs.
Être renvoyé en Italie, Grèce, Espagne, Hongrie ou dans les Balkans, comme c’est souvent le cas, c’est aussi et surtout risquer de voir sa demande d’asile refusée et être expulsé, en vertu des accords internationaux, vers des pays tiers (Lybie, Turquie…) ou les pays de départ où, bien souvent, c’est la mort.
Mettons fin à Dublin III ! Soutenons les demandeurs d’asile en lutte à Embrun, Bordeaux et ailleurs !!
Liberté de circulation et d’installation pour tous et toutes !
Dublin III, c’est le règlement européen qui permet aux Etats de renvoyer la responsabilité de l’accueil des exilé.es aux 1er pays d’entrée en Europe, qui sont jugés responsables de ne pas avoir suffisamment « sécurisé » leurs frontières et permis leur entrée dans l’espace Schengen. C’est décider à la place des personnes où elles devraient s’installer et vivre.
Dublin III, c’est le fichage électronique de ces exilé.es, lors d’un 1er contrôle de police en Europe. Les empreintes prises de gré ou de force sont versées à un fichier européen unique appelé EURODAC, accessible à toute administration d’État, qui peut s’en prévaloir pour justifier des mesures d’expulsion internes en Europe.
Dublin III, c’est un compromis politique entre les Etats européens concernant l’accueil des exilé.es, mais c’est surtout une pratique de sous-traitance et de pressions sur les pays du sud de l’Europe par les pays du Nord. Ces 1ers pays d’entrée sur le continent sont évidemment, de fait des routes migratoires, les pays du sud de l’Europe : Italie, Grèce, Espagne, Hongrie/Balkans. Près de la moitié des personnes souhaitant demander l’asile en France sont empêchées de la déposer au titre de Dublin III. 50% d’entre elles risquent le renvoi vers l’Italie.
Les conditions de prise d’empreinte dans ces premiers pays sont souvent violentes : Amnesty International, dans son dernier rapport sur l’Italie, parle de cas d’électrocutions. Et les conditions d’accueil de plus en plus dégradées : le droit d’asile n’est souvent plus effectif. Comment peut-il l’être dans les camps en Grèce, en Macédoine, en Italie, où même la survie élémentaire est entravée ? Quand elles existent, les procédures d’asile sont expéditives, à charge et très peu garanties (assistance, traduction, recours).
L’Italie a également signé des accords de coopération policière pour refouler les personnes vers la Libye (!), le Niger et le Soudan (!!), sous-traitant à son tour la « politique gestionnaire » des migrant.es. On parle d’ « externalisation » à des pays tiers à l’Europe, via des marchés juteux (plusieurs milliards versés à la Turquie) ou des accords de coopération (partenariat euroméditerranéen au Maroc) pour « contenir » les réfugiés.
Dublin III, c’est donc une logique de refoulements en cascade, une pratique d’expulsion déguisée (avant-même que la personne n’ait pu exercer un réel droit d’asile en Europe), une bonne excuse pour les États pour se soustraire à leur devoir d’asile et une politique concertée entre eux qui vise principalement à renvoyer les gens vers les pays de départ. C’est la ségrégation, le racisme et la sélection des populations érigées en politique d’Etat.
Dublin III, c’est la justification légale du retour brutal et militaire des frontières, y compris dans la Roya.
Et des milliards d’euros balancés dans les dépenses militaires, sécuritaires, technologiques, construction de camps, etc… profitant à un certain secteur privé.
Mettons fin à Dublin III !