En mai 2018, trois ami·es en lien avec Moving Europe ont visité la région frontalière entre l’Italie et la France et ont rédigé un rapport sur la situation actuelle à Vintimille, dans les vallées de la région frontalière franco-italienne et dans la région PACA (Provence Alpes Côte d’Azur). Voici un résumé de ce rapport :
Vintimille
La petite ville de Vintimille est depuis 2015 l’un des plus importants carrefours de la migration de l’Italie vers la France. La frontière est à 8 km à l’ouest. Cependant, le passage via la route directe le long de la côte vers Menton est rarement couronné de succès. Sur cette route, nous avons vu de nombreux·ses exilé·es, dont plusieurs familles avec enfants. Elles avaient été refoulées à la frontière et repartaient vers Vintimille.
Le long de la rivière, à côté de la Via Tenda, le camp informel et le No Border Camp, pleins de vie en 2015, ont été détruits depuis.En effet, les reconstructions à répétition de camps informels se sont toutes soldées par des expulsions rapides. La zone le long de la rivière est maintenant fermée par des grilles. Une forte présence policière s’assure qu’aucun nouveau camp ne se construise. Nous avons également observé une forte présence policière sur les lieux de distribution des vivres : dans le parking devant le cimetière et devant l’Infopoint de la Via Tenda 8c. La ville regorge de policiers. La situation est calme en apparence, mais la tension est palpable. D’innombrables personnes traînent autour de la gare : migrant·es, policiers et passeurs. Nous apprenons plus tard qu’il y a environ 300 passeurs à Vintimille. Au final, quasiment tout·es les exilé·es réussissent à franchir la frontière – que ce soit dans les voitures des passeurs ou avec le soutien de militant·es et/ou de manière plus ou moins autonome – certain·es en train (il existe des contrôleurs qui détournent le regard), d’autres à pied à travers les montagnes. Beaucoup s’y prennent à plusieurs reprises. C’est pour les familles que c’est le plus difficile. Pour éviter les flics, certaines d’entre elles risquent le passage par des zones dangereuses, passages qui se sont déjà conclus par des accidents graves, parfois mortels.
Près de la gare, à Via Sir T. Hanbury, se trouve le Hobbit Bar. En dehors du point d’information, c’est le seul endroit où les exilé·es peuvent trouver un soutien dans leur quotidien, le seul bar de la ville où les migrant·es sont les bienvenu·es. Il y a des jeux pour les enfants, une friperie gratuite, des prises pour charger les téléphones et des brosses à dents dans les toilettes. Les invité·es sont chaleureusement accueilli·es par Delia, la propriétaire et son personnel. La plupart des anciens client·es sont parti·es depuis que le Hobbit Bar est devenu un lieu de solidarité. Une grande partie des militant·es de la région de Vintimille ne peuvent plus venir en ville non plus. Elles·ils ont été criminalisé·es via des interdictions de territoire (follio di via), données par les flics -décisions administratives et non pénales très longues et compliquées à contester- et il leur a été interdit d’entrer dans la cité. Quant à ARCI et au presidio no border, ils ont été paralysés. Mais il existe encore des gens de France et d’autres régions d’Italie qui chaque semaine, apportent de la nourriture, des médicaments et d’autres choses utiles.
Le camp officiel est situé à 4 km à l’extérieur de la ville et est géré par la Croix-Rouge. L’entrée est gardée par du personnel avec des gilets pare-balles. 500 places sont disponibles dans le camp. Les empreintes digitales des réfugié·es sont prises à leur première arrivée. Une employée d’OXFAM a expliqué à une famille que c’était uniquement pour la sécurité du camp et que les empreintes digitales ne seraient pas transmises aux autorités. Les militant·es en doutent.
La vallée de la Roya
La rivière Roya se jette dans la mer à Vintimille. La frontière se trouve à environ 10 km au nord-ouest en remontant la rivière. Elle passe à travers les Alpes ligures. Il y a plusieurs chemins pour franchir la frontière et atteindre le côté français de la vallée de la Roya. Il y a des barrages de police sur les routes ordinaires. Depuis Vintimille, les exilé·es peuvent s’arranger avec un passeur. Le prix est de 150€, et comprend l’adresse du prochain accueil possible. Les routes ne sont pas sans danger : 17 personnes y sont mortes depuis 2015, les dernières au printemps.
Dans la vallée de la Roya, il y a plusieurs groupes qui soutiennent les réfugié·es – pour des raisons humanitaires, mais aussi en tant que collectifs ou individus autonomes. Certain·es habitant·es publient un journal (www.la-marmotte-deroutee.fr), qui rend généralement compte des différentes problématiques de la Vallée de la Roya (aménagement du territoire, grandes infrastructures autoroutières, défense du rail et de la ruralité, dénonciation de la militarisation, tunnel de Tende bis, gestion de l’eau potable etc… ). Ce journal est lu par environ 1000 personnes. Un groupe fasciste a également tenté de publier un journal, mais celui-ci a disparu après trois numéros car les lecteurs et lectrices, plutôt de droite, ont été finalement rebuté·es par les nombreuses fake news du tabloïde .
Parmi les groupes qui pratiquent l’aide humanitaire, ceux qui se sont constitués autour de Cédric Herrou sont les plus importants (l’historique Roya Citoyenne et plus récemment DTC – défends ta citoyenneté). Cédric Herrou a été jugé pour son aide aux réfugié·es sans que cela ne le déconcerte, et son rejet du politique est du même ordre. Les militant·es agissent, sans chercher de soutien extérieur en-dehors de dons matériels. Elles·ils font ce que leur dicte leur conscience, les exilé·es sont là et il faut les prendre en charge, les militant·es répondent à une situation d’urgence.
Camping de Cédric Herrou, Val de Roya
La route qui mène au Camp Saorgin à Breil-sur-Roya passe par la montagne: il est facilement contrôlable. A Sospel, environ 10 km avant Breil, la police a mis en place un barrage routier, ainsi que sur la D6205 en provenance de Vintimille. Le lieu lui-même est également sous surveillance policière permanente.
Tout a commencé lorsque Cédric et son réseau ont aidé les réfugié·es à traverser la frontière. Maintenant l’endroit est si connu des réseaux des réfugié·es et des passeurs que le camp atteint souvent la limite de sa capacité. Il y a eu jusqu’à 300 personnes sur place. Cédric les prend en charge avec l’aide de quelques bénévoles. Au cours de l’été 2017, 1500 réfugié·es sont passé·es par son terrain.
L’endroit lui-même parait informel, l’infrastructure improvisée. C’est un endroit idyllique, sûrement boueux sous la pluie qui est heureusement rare dans cette région. De la route, nous empruntons un sentier jusqu’à la ferme des poulets et les oliviers de Cédric. Dans l’oliveraie rocheuse se trouvent des tentes, une cuisine extérieure, des toilettes sèches, des douches improvisées. La visite est un petit parcours d’escalade. L’eau est rare. Quand nous arrivons, il y a peu de gens sur place ; les personnes se lavent, nettoient leurs vêtements, rechargent leurs smartphones, passent des appels téléphoniques et préparent à manger. Tout le monde est arrivé la veille au soir. Le matin, un groupe de réfugié·es s’est rendu à Nice.
Il y a un arrangement avec la police : Cédric dresse une liste des noms des réfugié·es, prend leur photo et les envoie par e-mail à la police afin de déposer les demandes d’asile. Les exilé·es peuvent se reposer pendant 3 jours de leur marche à travers la montagne, puis elles·ils reçoivent des papiers temporaires. Elles·ils voyagent ensuite en groupe, accompagné·es de bénévoles, en train jusqu’à Nice. De là, elles·ils sont envoyé·es dans d’autres régions. Dans une certaine mesure, le camping fonctionne comme un centre d’accueil informel.
Une maison ouverte dans l’arrière-pays niçois : le caravansérail
Une vingtaine de kilomètres après Nice, à la campagne, se trouve la maison et le terrain d’Hubert. Entre 10 et 40 personnes sont là, de passage ou pour se reposer: des réfugié·es et militant·es, des visiteur·es et beaucoup d’autres qui veulent simplement se détendre. Avant de parler d’humanitaire ou de politique, Hubert évoque l’hospitalité. C’est sa valeur de base, en voyage ou en tant qu’hôte. Il nomme d’ailleurs son endroit « le caravansérail».
Sa maison est ouverte à tou·tes les voyageur·ses et il ne fait aucune distinction entre migrant·es, exilé·es ou vacancier·es. La maison d’Hubert fonctionne avec l’organisation Habitat & Citoyenneté, une initiative solidaire qui ressemble aux idéaux visés par le réseau Solidarity-city. Habitat et citoyenneté est un un centre d’informations qui dispose d’un réseau dans de nombreux pays d’Europe. Il permet d’orienter les personnes en 48heures. La grande majorité d’entre elles est passée par ses propres moyens, à pied, en voiture, en train et ils-elles ont l’adresse de l’association. Des locaux d’Habitat & Citoyenneté, elles sont emmenés chez Hubert, s’il y a de la place. Arrivent chez lui des personnes qui dorment dehors à Nice et que l’on a orienté vers l’association, parfois ce sont les services sociaux ou même la préfecture qui suggèrent de se rendre dans sa maison.
Hubert est une personne charismatique, pragmatique et optimiste, tout le monde là-bas l’appelle Baba (Papa). La différence entre ce lieu de vie et ceux de Cédric et les autres, c’est qu’il faut gérer l’urgence dans la vallée de la Roya. En effet, comment faire quand 50 personnes arrivent pendant la nuit? Chez Hubert, les hôtes n’ont plus d’obstacles, de barrières, de murs, d’humiliations. Hubert ne leur demande pas quand elles·ils comptent partir. Ils disposent de leur temps. Ces différents lieux d’accueil travaillent étroitement ensemble et partagent la même analyse. Le caravansérail est l’étape qui suit celle de la première arrivée après la frontière, dans l’accueil et l’orientation.
La vie quotidienne dans cette maison se déroule sans règles : pas de planning, pas de réunions, tout le monde fait ce qu’il veut et peut. Quand nous sommes arrivé·es, il y avait une quinzaine de jeunes hommes. Certains d’entre eux construisaient une nouvelle porte pour le poulailler, d’autres écoutaient de la musique ou nettoyaient la maison, d’autres encore effectuaient des travaux de réparation, les derniers se reposaient ou dormaient.
C’est un va-et-vient constant : des ami·es passent avec des (ou sans) dons et restent quelques jours, des migrant·es d’autres régions reviennent pour rendre visite à „leur famille“ et trouver la tranquillité, ou assister à un concert. Hubert veut que sa maison reste un endroit tranquille où les voyageur·ses peuvent reprendre des forces et réfléchir sur où et comment continuer leur route. Il s’intéresse aux invité·es et adore leur parler. L’association Habitat et Citoyenneté reçoit de la nourriture de la Banque Alimentaire de Nice. Les voyageur·ses ont besoin de reprendre des forces et mangent beaucoup d’après Hubert.
Concernant la répression, Hubert explique qu’au sein de l’association, chacun·e prend la responsabilité de ses actions : elles·ils agissent ouvertement et ne se cachent pas. Certains d’entre elles·eux ont souvent été arrêté·es, mais ont généralement été libéré·es au bout de 48 heures. Hubert a également déjà été placé en garde-à-vue et une quinzaine de réfugiés ont été renvoyés en Italie. Deux jours plus tard, il était à nouveau libre, et après deux jours de plus, tous les réfugiés étaient de retour chez lui.
Hubert pense que la tolérance de la police et des autorités peut s’expliquer par le fait que les réfugié·es ne traînent pas dans les rues à Nice, et que l’Etat n’a pas à subvenir à leurs besoins. Habitat & Citoyenneté n’a pas de subvention étatique, ils vivent de dons. Ils ont des problèmes financiers actuellement – le mois prochain, ils n’auront pas assez d’argent pour payer le loyer de leurs locaux à Nice.*
Dans la région de Nice, le Front National est très fort mais Hubert n’a pas de problèmes avec ses voisins. Certains sont des fachos, mais ils n’agissent pas concrètement. La communauté villageoise et le maire ne lui posent pas de problèmes, ils sont parfois même amicaux.
Collectifs de soutien, dans le Var et à Marseille
Au nord-ouest de Nice se trouve la région montagneuse du Haut Var, où existent aussi des collectifs qui soutiennent les réfugié·es. Le plus connu, Haut-Var Solidarité, a été fondé en 2016 et soutient les exilé·es en organisant des hébergements, du soutien mutuel ainsi que dans la lutte contre les pratiques policières à la frontière et contres toutes les frontières. Les collectifs sont en lien étroit avec le „Manba„, centre social autogéré de Marseille ainsi qu’avec d’autres collectifs marseillais impliqués dans dans l’accueil, la lutte contre les expulsions et les politiques migratoires françaises et européennes. Une rencontre de la coordination sud-est de tous ces collectifs devrait s’organiser à l’automne.
A travers les Alpes, de l’Italie à Briançon, ville solidaire
La route des réfugié·es à travers l’Italie passe principalement par Milan. De là, elles·ils se dirigent soit vers le sud-est, en direction de Vintimille, soit vers l’ouest, en direction de Turin. Là, la route se sépare à nouveau : plutôt au nord vers Bardonecchia ou un peu plus au sud vers Claviere et plus loin par le col du Montgenèvre vers Briançon.
Sur le versant italien de ce col, à Claviere, il y a un sous-sol occupé dans l’église „Chez Jésus“. L’Église le tolère parce que le Pape a déclaré que 2018 était l’année des sans-abri. Il y a quelques matelas, mais la plupart des réfugié·es utilisent le squat comme dernier point d’information avant la frontière, où ils peuvent se reposer et se nourrir avant de traverser la frontière. Celle-ci se trouve à environ 1 km du village. „Chez Jesus“ est en partie occupé par les mêmes militant·es que le „Chez Marcel“ à Briançon (que nous évoquerons plus loin) mais des personnes d’Italie sont aussi impliquées. L’endroit est surveillé par la police secrète italienne, sans qu’il y ait eu d’incident majeur jusqu’à présent. Fin juillet, nous apprenons que le refuge auto-géré “Chez Jésus” est menacé d’expulsion.
A Claviere, nous rencontrons deux groupes d’exilé·es venus en bus de Turin. Le billet coûte 10 €, les passeurs prennent jusqu’à 300 € pour la même distance et déposent parfois leur cargaison humaine directement devant „Chez Jesus“. Il y a 20 à 50 personnes de passage par jour. La plupart du temps, les exilé·es restent jusqu’au crépuscule, puis sillonnent les sentiers et les collines et attendent la nuit dans la zone boisée près de la frontière. Elles·ils traversent la frontière dans l’obscurité et tentent d’atteindre Briançon durant la nuit. S’ils-ne s’égarent pas et avec une bonne condition physique, il leur faut 3-4 heures pour parcourir ces 15km, mais le parcours prend 8 heures le plus souvent, et parfois jusqu’à 15 ou 20 heures dans des cas compliqués. Le sentier est balisé et il y a des aidant·es qui préparent le sentier en cas de chute de neige. Dans ces conditions hivernales, il faut encore plus de temps pour progresser. C’est aussi plus long quand il faut se cacher de la police, ou pour les familles avec enfants. Beaucoup de personnes ont été blessées par le froid, et au moins trois personnes sont mortes sur la route, dont une tombée dans un torrent en crue alors qu’elle courrait pour échapper aux policiers. Le passage de la frontière est en fait assez aisé, mais plus les gens s’approchent de Briançon, plus c’est difficile. Un terrain de golf (ou une piste de ski en hiver) situé de part et d’autre de la frontière doit être franchi directement au niveau du col. Les cent derniers mètres sont les plus dangereux : une présence policière renforcée, la lumière du jour qui se lève, l’épuisement croissant font de ces derniers mètres la partie la plus difficile du voyage.
La police a installé des postes de contrôle fixes le long de la route qui descend du col de Montgenèvre et des postes de contrôle mobiles le long des chemins. En-dehors du poste frontalier fixe, la police procède à des contrôles mobiles sur la route et les chemins. Du côté italien comme du côté français, les points d’entrée et les squats semblent être respectés. Une fois que les réfugié·es ont atteint Briançon et savent où aller, ils sont en sécurité et peuvent demander l’asile malgré une forte présence policière dans la ville.
A la mi-juin, un campement a été installé au col du Montgenèvre. Pendant trois jours, près de 400 militant·es ont traversé la frontière de part et d’autre, avec de la musique, des chants et des portes-voix. Cette manif le long des chemins habituellement utilisés par les réfugié·es voulait montrer la perméabilité de la frontière et protester contre les contrôles. 7 personnes ont depuis été inculpées suite à cet événement (voir encart). Une nouvelle rencontre est prévue du 19 au 23 septembre.
A Briançon, les personnes qui s’activent sont politisées et étroitement interconnectées. Il y a plusieurs squats ou abris où les réfugié·es sont hébergé·es. Le plus grand est le CRS, une ancienne caserne appartenant à la ville et gérée par des militant·es afin d’accueillir les réfugié·es. On dit qu’il y a même un(des) téléphone(s) d’alarme : ceci nous évoque une forme de chemin de fer clandestin pour des personnes dont la liberté de circulation est entravée.
Il est également important de souligner que le maire de Briançon est de gauche et conciliant. L’administration municipale est ouverte d’esprit et apprécie que les réfugié·es n’occupent pas les rues ni les parcs, ce qui pourrait déranger les touristes. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles les 13 maires des communautés proches de la frontière ont décidé conjointement d’accueillir les réfugié·es et de leur donner un abri. L’administration et les militant·es solidaires s’inquiètent de la présence actuelle des identitaires, même si ceux-ci n’ont, pour l’instant aucune attache dans la petite ville. Ils essaient d’arrêter les réfugié·es sur les chemins, de les renvoyer et de les dénoncer à la police, et ils traquent les solidaires, mais il ne sont guère plus de 15. Au printemps 2018, le réseau « defend europe », réseau xénophobe et fasciste européen, a organisé des actions de blocage de frontière sur le col de l’Echelle. S’il n’a pas remporté de succès -à l’instar de sa tentative de bloquer les migrant-es en mer avec le bateau C-Star l’année précédente-, il a quand même déclenché un gros tapage médiatique. La coopération de l’administration avec les nombreux·ses militant·es et bénévoles fonctionne en harmonie ; l’esprit d’accueil a survécu ici jusqu’à présent. A l’heure actuelle, il y a plus de 300 réfugié·es à Briançon mais la plupart d’entre eux ne restent pas longtemps et continuent leur voyage dans les trois jours qui suivent leur arrivée, vers Lyon, Paris, Marseille ou ailleurs. Ces derniers temps il y a eu quelques refoulements à la gare de Lyon à l’arrivée du train.
„Chez Marcel“ est une ancienne maison squattée, près du centre ville, et construite sur une pente raide. Il y a un sous-sol avec une chambre pour les militant·es, une douche, un cellier et une porte ouvrant sur le jardin. Au rez-de-chaussée un petit couloir donne sur deux chambres pour les réfugié·es, une cuisine et une salle de réunion. A l’étage, on trouve d’autres chambres et une salle commune, il y a d’autres possibilités de dormir au grenier. Dans le jardin se trouvent deux caravanes et une toilette sèche. C’est étroit, mais amical, chacun partage son quotidien. Il y a une soupe populaire tous les lundis. La nourriture est fournie par la Croix-Rouge et les voisin·es. Les militant·es rencontré·es nous disent qu’ils ont besoin de soutien financier, mais également d’être plus nombreux·ses pour y vivre et participer aux luttes politiques.
„Chez Marcel“ n’est pas seulement un lieu où les réfugié·es peuvent se reposer et s’informer, c’est aussi un lieu où se développent les interventions contre le régime frontalier. Les gens qui s’y trouvent sont clairement des activistes, mais ne se distinguent pas des réfugié·es, elles·ils se considèrent tou·tes comme des humains en lutte. Il y a bien sur des différences, mais celles-ci font l’objet d’une réflexion constante et consciente, du moins chez certain·es militant·es. Lors de notre visite, nous avons rencontré une vingtaine de migrant·es d’Afrique de l’Ouest, tou·tes francophones. Il y avait une discussion sur l’éventualité d’organiser un camp d’été au Col de Montgenèvre, mais également sur la crainte d’attirer l’attention des forces de l’ordre et éventuellement celle des identitaires.
Les activistes ne cachent pas leur engagement, mais elles·ils ne s’en vantent pas non plus. Certes, les autorités connaissent leur engagement, l’administration municipale les tolère voire les soutient. C’est un arrangement qui, comme chez Cedric et Hubert, est basé sur une forme de tolérance tacite : toute action bruyante pourrait perturber ce fragile équilibre. Les accords de réadmission ont été conclu entre l’Italie et la France dès 2015. Les activités exemplaires dans cette région frontalière nous intéressent particulièrement car l’Allemagne souhaite conclure des accords similaires avec la France et l’Autriche. N’ayons pas peur de développer des activités semblables sur ces frontières !
Structures de soutien dans l’arrière-pays Briançonnais – Gap et Veynes
Le „Chum“ (centre d’hébergement d’urgence pour mineurs exilés est un espace autonome dans la ville de Veynes, à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Gap. Il accueille et héberge des mineur·es non accompagné·es. Quelque 180 mineur·es y sont passé·es depuis septembre 2017. Le „Chum“ de Veynes se trouve dans l’ancienne maison abandonnée des chefs de gare. La mairie devait y organiser un projet social mais ne l’a jamais fait.
Des militant·es ont occupé la maison pendant l’été 2017 – à cette époque, environ 80 mineurs étaient à la rue à Gap – et ont mis en place un centre d’accueil d’urgence auto-géré pour les migrant·es mineur·es, avec une capacité d’accueil de maximum de 25 personnes (en moyenne une dizaine de migrant·es sont présents).
Actuellement, les militant·es se découragent car elles·ils ne sont pas très nombreux·ses et parce que la situation est difficile. Il y a de moins en moins de bénévoles qui s’impliquent et les réunions, hebdomadaires à l’origine, se font de plus en plus rares.
L’organisation France Terre d’Asile et la PASS (permanence d’accès aux soins de santé) ont été officiellement chargées par l’Etat de prendre en charge les mineur·es non accompagné·es, mais ne font pas grand-chose pour leur trouver un hébergement rapidement ou pour leur garantir l’accès à leurs droits.
Les militants s’occupent donc volontairement de l’accueil des migrant·es, de leur accès à la prise en charge de leurs besoins et de leurs dossiers administratifs. Elles·ils se sentent isolés.
En outre, il y a des tensions au sein des militant·es, qui n’ont pas tout·es la même approche ; une vision humanitaire (prendre soin des migrant·es, faire pour) s’oppose à des pratiques plus libertaires (organiser la lutte et la vie quotidienne avec les exilé·es, faire ensemble).
La „Maison Cézanne“, est une maison occupée à Gap, capitale du département des Hautes-Alpes. Elle accueille actuellement 17 personnes dans trois à quatre pièces. La „Maison Cézanne“ était occupée par le collectif „un toit un droit“, mais est sur le point d’être expulsée. Il y a encore deux ou trois militant·es engagé·es dans le collectif, mais aucun d’entre elles·eux n’y habite. L’auto-organisation avec les migrant·es est difficile parce qu’elles·ils ne sont généralement que de passage. La “ Maison Cézanne“ est passé en procès début août : verdict, la maison est expulsable pour faire palce à une opération immobilière, les habitant-es vont se retoruver à la rue.
* Au moment où nous rédigeons ce rapport, on constate un durcissement des peines à l’encontre des militant-es. (Voir encart sur la criminalisation)
Complexité de la loi et durcissement de la criminalisation en France
Il existe une vieille loi surnommée « délit de solidarité » qui punit l’aide à l’entrée et au séjour de personnes en situation irrégulière. Elle vient d’être révisée par le conseil constitutionnel :
Une aide désintéressée au « séjour irrégulier » ne saurait être passible de poursuites, au nom du « principe de fraternité ». En revanche, « l’aide à l’entrée irrégulière » reste sanctionnée. soit qu’elle conduise au franchissement de la frontière d’un étranger en situation irrégulière, soit qu’elle puisse être analysée comme une action militante en faveur des étrangers en situation irrégulière se trouvant sur le territoire français.
Briançon : Les 3 deviennent 7 ! Elonora, Theo, Bastien +4.
7 personnes sont maintenant inculpées pour „aide au passage de frontière en bande organisée“ et passent en procès le 8 novembre prochain à Gap.
Rares municipalité hospitalières vs. Etat répressif
Ce rapport et les dernières nouvelles des camarades condamnées, montre que l’équilibre trouvé par endroits entre les trop rares municipalités „hospitalières“ et les initiatives solidaires est actuellement rompu. La hiérarchie décisionnelle vient entraver ces initiatives locales de soutien. L’Etat francais durcit chaque jour sa politique migratoire et se montre de plus en plus ouvertement répressif. L’assemblée nationale vient d’adopter définitivement la nouvelle loi asile immmigration, qui est une véritable chute des droits pour les personnes étrangères : réduction du délai pour demander l’asile, disparition des recours suspensifs, allongement de la rétention, fichage, extension des possibilités d’interdiction du territoire etc.
C’est une inflexion comparable à celle de l’Italie, où un ministre fasciste décide de fermer les ports italiens aux bateaux de sauvetage contre l’avis des municipalités où se trouvent ces ports. Le projet transnational de Solidarity-City est nécessaire et urgent, afin que les villes et villages hospitaliers s’unissent à travers les pays d’Europe contre la forteresse fantasmée par la plupart des Etats.
Soutiens aux lieux évoqués et aux camardes, biblio/filmo/sitographie, pour aller plus loin …
Informations Vintimille :
http://www.progetto20k.org/tag/ventimiglia/
Des informations actuelles sur la situation à Vintimille sont disponibles sur http://www.yallayallaradio.net/
Habitat et citoyenneté / crowdfunding :
https://www.helloasso.com/associations/habitat-et-citoyennete/formulaires/1/en
Martine Landry, militante Amnesty international :
https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/martine-landry-lacharnement-judiciaire
Roya citoyenne, contacts pour les aider financièrement :
http://www.roya-citoyenne.fr/nous-aider/
Défends ta citoyenneté / crowdfunding :
https://www.helloasso.com/associations/defends-ta-citoyennete/formulaires/1/widget
Information sur Claviere / Briançon /Gap /Veynes :
https://valleesenlutte.noblogs.org/
Appel à soutien humain et à dons matériels « Chez Jésus »
https://valleesenlutte.noblogs.org/post/2018/06/27/besoin-de-soutien-pour-le-refuge-autogere-de-claviere/
Menaces d’expulsion « Chez Jesus » : https://www.passamontagna.info/?p=448&lang=fr
Appel à soutien humain et à dons matériels « Chez Marcel » :
https://valleesenlutte.noblogs.org/post/2018/06/27/quelques-besoins-pour-ce-debut-dete-chez-marcel/
CHUM Veynes : besoin de monde pour les aider, de familles d’accueil pour des mineur·es : https://chum05.wordpress.com/on-a-besoin/