Violences à la frontière dans le Briançonnais à l’automne 2022 : Contre les frontières et leur monde

Trigger warning : violences et mise en danger physiques ; décès aux frontières ; violences à caractère raciste ; violences psychologiques.

7 mai 2018 : Blessing Matthew,
18 mai 2018 : Mamadi Conde,
25 mai 2018 : Mohamed Fofana,
15 novembre 2018 : Douala Gakou,
6 février 2019 : Tamimou Derman,
7 septembre 2019 : Mohamed Ali Bouhamdi,
21 juin 2021 : Mohamed Mahayedin,
3 janvier 2022 : Zakaria.

Voici la liste déjà trop longue des hommes et des femmes décédées ou disparues dans le Briançonnais alors qu’iels tentaient de se rendre en France. Iels sont mortes en subissant les chasses à l’homme menées jour et nuit par la Police aux frontières (PAF), la Gendarmerie nationale et les militaires de l’opération Sentinelle, traquant et refoulant des personnes, parfois des familles entières, venues demander l’asile (ou non) en Europe.

Ces violences envers les exilé.es n’ont pas faibli depuis l’automne dernier :

Le jeudi 1 septembre 2022, un homme a été tabassé par des policier.es français.es dans le poste de la PAF. Il a dû être transporté à l’hôpital de Susa, en Italie.

Le vendredi 9 septembre 2022, un groupe de personnnes migrantes racontent que l’un de leurs amis a été victime de violences policières considérables alors qu’il tentait de traverser la frontière entre Clavière et Montgenèvre. Les policièr.es français.es ont vu la personne dans la forêt proche de la frontière. L’homme a tenté de s’enfuir mais il a violemment été stoppé par la police, qui l’ont tabassé et lui ont fracassé la tête contre un arbre. Ensuite, il a été amené au commissariat et repoussé en Italie.

Le lundi 12 septembre 2022, un exilé qui tentait d’aller en France par le train a été arrêté suite à un contrôle au faciès par la police française et amené au commissariat de Modane. La police a vérifié son identité et a détruit son téléphone en l’explosant sur la table juste devant ses yeux. Puis il a été ramené en Italie.

Le jeudi 29 septembre 2022, une famille est interpellée dans la montagne par les policier.es. Suite à une crise d’angoisse de la mère de famille à son arrivée dans les locaux de la PAF, celle-ci est amenée à l’hôpital de Briançon tandis que son mari et son fils restent bloqués au poste par les agent.es de la PAF, dans le but de les refouler en Italie.

Dans la nuit du 19 au 20 novembre 2022, un jeune homme qui tentait de traverser la frontière a été pourchassé par les policier.es. Il a chuté, a perdu connaissance et a été hospitalisé d’urgence à l’hôpital de Briançon.

Ces morts, ces violences sont la conséquence des frontières et de leur militarisation. Ces frontières, centrales dans les processus séculaires de construction des Etats nations modernes, ont toujours servi à ségréguer les peuples, à organiser leurs mouvements et celui des biens échangés. Elles sont également un élément clé de ce gigantesque échiquier servant les intérêts des États occidentaux, leur interventionnisme, la spoliation organisée des richesses des pays du Sud, le saccage des cultures et des écosystèmes de ces territoires.

Aujourd’hui, dans le Briançonnais, les frontières sont l’incarnation matérielle de politiques migratoires nationales et européennes théorisées et mises en place par des états racistes et criminels qui s’octroient le droit de « gérer des flux de population » tandis que les marchandises, ainsi que certaines personnes, sont libres d’aller et venir librement.

À l’heure où l’Europe tout entière prend un tournant fasciste, les frontières incarnent un racisme d’État usant de tous les moyens (et en premier lieu le moyen militaire et économique*) pour discriminer, stigmatiser, marginaliser, invisibiliser, assassiner des personnes jugées indésirables selon des critères racialisants (possession des « bons » papiers, couleur de peau, région d’origine, accent, religion, prénom/nom de famille…).

Dans le Briançonnais, les effectifs de flics n’ont cessés d’augmenter depuis le rétablissement des contrôles aux frontières en 2015**. Cette augmentation – outre le fait qu’elle participe d’une mise en scène répressive qui donne du baume au cœur à nos fachos nationaux – n’a absolument aucune incidence sur le nombre de personnes qui arrivent en France. Cela ne fait que pousser celles-ci à prendre toujours plus de risques, à monter toujours plus haut en montagne, à sortir des sentiers battus, à risquer leur vie en passant des heures et des heures dans le froid extrême.
Et tout cela à quel prix ?
Au prix des trop nombreuses engelures, fractures, hypothermies, chutes, traumatismes, courses poursuites, guet-apens, séparations de familles… qui continuent de se produire. Et, répétons-le, au prix des 10 mort.es connu.es.

Cela a suffisamment duré, rejetons ces politiques, les mers et les montagnes qui nous entourent sont des cimetières depuis trop longtemps déjà.
Nous nous battons contre elles car nous exigeons la libre circulation et installation de toute personne qui le souhaite.
Que brûlent les frontières, et celles et ceux qui les gardent.

*Il n’est qu’à voir les sommes astronomiques allouées à Frontex, l’agence européenne de garde-frontières et de gardes-côtes financée par l’Union Européenne. Pour l’année 2022, le budget alloué à Frontex était de 800 millions d’euros.

**Il y a aujourd’hui près de 300 policier.es et gendarmes autour de Briançon (2 escadrons de gendarmerie soit 140 gendarmes, 50 agent.es de la PAF (Police de l’Air et des Frontières), 30 militaires des forces sentinelles, et les gendarmes locaux)