Face au « piège Dublin » et à la mort programmée de l’asile en Europe

L’arrivée massive depuis 2015 de personnes fuyant les conflits a permis une accélération fulgurante des politiques répressives déjà entamées par les précédents gouvernements en matière d’immigration. Les orientations récentes élaborées pour résoudre cette « crise migratoire » vont toutes dans le même sens : renforcer le contrôle des frontières et restreindre les possibilités de résider légalement en Europe. Moins d’accueil pour plus d’expulsions !

Une politique de rejet délibérée
La soi-disante volonté politique de résoudre ce « drame humanitaire » est mise à mal dans les faits, car si le désastre engendré par les guerres et la misère économique trouvent des causes diverses et souvent complexes, celui qui a lieu au sein de l’Europe est bien la conséquence directe de choix privilégiant le rejet à l’accueil. Nous pouvons ainsi rapidement prendre pour exemples :
– les accords signés avec la Turquie en mars 2016 directement responsables du maintien forcé de près de 15 000 personnes sur les îles grecques et par répercussion en Turquie et dans d’autres pays [1] ; et le rapport d’étape du 6 septembre 2017 préconisant l’augmentation des capacités de détention et des mesures de fichages en même temps que la limitation des possibilités de recours juridiques [2],
– la procédure de relocalisation des personnes bloquées en Grèce et en Italie se terminant le 26 septembre 2017 qui n’a permis en deux ans qu’à environ 29 000 personnes sur les 160 000 initialement annoncées de déposer une demande d’asile dans un pays européen moins surchargé, de nombreux états refusant cette prise en charge [3],
– l’adoption le 28 juillet 2017 d’un programme destiné à renforcer les capacités de contrôle des autorités libyennes en matière de migration et ayant pour effet de laisser aux milices locales le soin de refouler et de torturer les candidats au passage [4] ; ainsi que la mise au ban des organisations de sauvetage en méditerranée cet été [5],
– le projet souhaité par les chefs de gouvernement de l’Allemagne, la France, l’Italie et l’Espagne, réunis le 28 août 2017, de créer des centres de tri directement dans les pays de provenance et faisant miroiter la possibilité pourtant illusoire d’accéder légalement à partir de ces centres en Europe [6],
– le projet émis par la commission européenne le 27 septembre 2017 prévoyant le renforcement de la durée légale des contrôles au sein de l’espace Schengen pour une durée allant jusqu’à trois ans [7], ainsi qu’une intensification des efforts pour effectuer le retour dans leur pays de 1,5 millions de personnes dans un futur proche [8],
– le projet de loi sur la sécurité intérieure française adopté le 3 octobre 2017 par l’assemblée nationale qui permettra des contrôles d’identités sans motif (légalisation des contrôles au faciès), leur élargissement « aux abords » de 373 gares, ports et aéroports, ainsi que dans un rayon de 20 km autour des 118 points de passages frontaliers [9].
– le projet de loi sur l’immigration qui sera présenté le 12 octobre 2017 par le gouvernement français qui prévoit notamment un doublement de la durée de rétention administrative (soit 90 jours) et une hausse des expulsions dans les pays européens où un premier enregistrement des personnes a été effectué (règlement Dublin) [10].
La prolifération des barrières matérielles et la militarisation des frontières, l’accroissement des capacités d’enfermement et la criminalisation des sans papiers, ainsi que le durcissement des procédures légales sont les mesures bien réelles adoptées au sein de chaque état de l’Union européenne [11].

Le « piège Dublin »
En plus de cela, le mécanisme de tri et de renvoi est complété par l’application du règlement Dublin conçu pour empêcher les personnes de demander l’asile dans le pays de leur choix et pour les contraindre à le faire dans ceux où leur expulsion sera facilitée. C’est par exemple le cas de la Norvège ou de la Suède qui renvoient les personnes de nationalité Afghane dans leur pays ou celui de l’Italie vers le Soudan. Ce règlement, qui sera certainement durci dans sa quatrième version [12], est l’un des principaux obstacles juridiques rencontré actuellement par les demandeurs d’asile.
En effet, toute personne passant par les hotspots de Grèce et d’Italie est dorénavant systématiquement fichée et les dispositifs de renvoi sont maintenant pleinement fonctionnels. C’est le cas en France avec la mise en place d’un système de « camps en cascades » permettant de contourner le droit commun. Au lieu d’une procédure « habituelle », c’est un dispositif d’urgence expéditif qui prend le relai. Les personnes présentes dans les camps à Paris sont placées dans les CAO (Centre d’accueil et d’orientation) en province, puis transférées dans les PRAHDA (Programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile) pour être finalement conduites dans les aéroports… Chaque étape mène à une restriction des droits et des possibilités d’y faire face, chaque étape concrétise un peu plus le passage de l’accueil vers celui de la détention.
La problématique des renvois en Italie qui concernent une majorité de personnes est aujourd’hui de plus en plus accrue, avec notamment : la remise à l’aéroport d’une interdiction de territoire Schengen très contraignante, les renvois dans les camps du sud du pays où il est de plus en plus difficile d’en sortir, une détérioration constante de la prise en charge liée à des procédures plus strictes et des moyens insuffisants. L’annonce de l’ouverture d’une quinzaine de nouveaux centres de rétention (Centres de permanence pour le rapatriement) dans ce pays ne peut que présager une augmentation des expulsions aux dépens des régularisations.
Face à cette politique de rejet, il est urgent de s’organiser à l’intérieur et à l’extérieur de ces centres de tri et de ces camps qui ne laissent le choix qu’entre l’expulsion ou la clandestinité. Des luttes doivent être menées conjointement afin de créer un rapport de force conséquent et d’affirmer notre opposition à toute violation de la liberté de circulation.

STOP DUBLIN ! STOP EXPULSIONS !