Dublin III, c’est le règlement qui permet aux États européens de rejeter la responsabilité de l’accueil des exilé.es aux pays d’entrée sur le continent.
Pour l’Europe-forteresse, ces pays sont jugés responsables de ne pas avoir suffisamment « sécurisé » leurs frontières et permis l’entrée de personnes irrégulières dans l’espace européen Schengen : selon elle, ils devraient en assumer la charge. C’est une vision gestionnaire de toute une partie de la population exilée, qui nie le principe de liberté de circulation.
Ces pays d’entrée pointés du doigt sont évidemment les pays du sud de l’Europe, Italie et Espagne où les exilé.es arrivent après une traversée mortelle en Méditerranée. Ou la Grèce, la Bulgarie, la Hongrie, sur la « route des Balkans ».
Dublin III, c’est le fichage électronique de ces exilé.es, dès le premier contrôle de police dans ce pays d’entrée en Europe.
Leurs empreintes prises de gré ou de force lors d’un premier contrôle de police en Europe sont versées à un fichier unique appelé EURODAC. Ce fichier est accessible aux administrations de tous les pays d’Europe, devant lesquelles ils et elles choisiront de se présenter pour demander l’asile. Et ces dernières s’en prévaudront pour justifier l’expulsion, le retour à la case départ vers ce premier pays.
Les conditions de prise d’empreinte dans les pays d’entrée sont souvent violentes : Amnesty International, dans son dernier rapport sur l’Italie, parle de tortures fréquentes et de cas d’électrocutions par les autorités italiennes dans les hotspots du sud du pays, afin d’extorquer les empreintes digitales des personnes à leur descente du bateau.
Dublin III, c’est un compromis politique signé entre les États européens…
…et c’est surtout devenu une pratique de pressions et de sous-traitance des pays du Nord sur les pays du sud de l’Europe, pour empêcher des réfugié.es, majoritairement indésirables dans les États d’Europe aujourd’hui, de rejoindre leur destination.
En 2016, près de la moitié des personnes souhaitant demander l’asile en France, principalement des personnes fuyant les guerres et les dictatures de la Corne d’Afrique, sont empêchées de déposer leur demande au titre de Dublin III. 50% d’entre elles risquent un renvoi vers l’Italie. Tandis que les régularisations sont devenues rarissimes.
Or, dans les pays du sud de l’Europe, les conditions d’accueil sont de plus en plus dégradées et le droit d’asile n’est souvent plus effectif. Comment peut-il l’être derrière les barbelés des camps en Grèce et en Macédoine, dans les prisons hongroises (où le gouvernement a décidé de maintenir tous les demandeurs d’asile) ou encore dans les centres surpeuplés d’Italie, où même la survie élémentaire est menacée ? Quand elles existent, les procédures d’asile sont expéditives, à charge et très peu garanties (assistance, traduction, recours). Après le traumatisme des violences policières dans ces pays, aucun exilé ne souhaite y refaire l’expérience d’un séjour.
En plus d’être une pratique d’expulsion arbitraire (sans garantie que la personne puisse exercer un réel droit d’asile en Europe et échapper à la maltraitance), Dublin III s’agrège aussi à un mécanisme de refoulements en cascade.
L’Italie, sous la pression de l’Union européenne, a signé des accords pour refouler les exilé.es vers la Libye, le Niger ou le Soudan, sous-traitant à son tour la « gestion » des migrant.es plus au sud.
On parle d’« externalisation », quand des pays tiers jouent le rôle de garde-frontières délocalisés et peu scrupuleux pour le compte de l’Europe, en échange d’accords de coopération (processus de Khartoum au Soudan, plusieurs milliards d’euros versés à la Turquie, etc.).
Des centres de rétention labellisés par l’Europe sont depuis en construction au Soudan, aux mains du sanguinaire Al Bachir, et en Libye, où les exilé.es africains sont régulièrement tué.es, violenté.es, rançonné.es, esclavagisé.es.
Dublin III, c’est la sélection des populations et le racisme érigés en politique d’État !
Dublin III, c’est un pilier de l’Europe forteresse et sécuritaire, où les personnes qui s’exilent sont vues comme des objets de contrôle, voire de marchandage. C’est les renvoyer dans l’exil et décider à leur place où elles devraient s’installer et vivre !
Dublin III, c’est la justification légale du retour brutal et militaire des frontières, y compris dans la Roya !
Et des milliards d’euros balancés dans les dépenses militaires, sécuritaires, technologiques, construction de camps, etc… profitant à un certain secteur privé très lucratif.
Luttons contre les frontières ! Mettons fin à Dublin III !