Les institutions veulent tuer Ibrahim

du blog « Derrière les frontières » : http://desutopies.blog.lemonde.fr

Ce dimanche matin, devant le tribunal de grande instance de Marseille, une cinquantaine de personnes sont présentes pour protester contre l’arrestation et la déportation d’Ibrahim. Ce militant soudanais, très intégré dans les réseaux locaux de solidarité aux migrants, est dubliné aux Pays-Bas, où sa demande d’asile a été rejetée. Cela signifie qu’il va être renvoyé aux Pays-Bas et que de là-bas, il va être expulsé vers le Soudan.

Ibrahim vient des Monts Nouba, une région en guerre au sud du Soudan, disputée par des indépendantistes et des opposants du gouvernement dictatorial d’el-Béshir. Le Mont Nouba est dans un état similaire au Darfour et ses habitants sont considérés comme des menaces au régime en place. Ibrahim, en particulier, est connu par les services de renseignement soudanais pour avoir participé à des manifestations. Il a des amis qui ont été torturés et tués pour ces raisons. Il est probable que le même sort l’attende à peine les pieds remis sur le sol soudanais.

Pourtant, Ibrahim a fait tout ce qu’il pouvait pour demander l’asile en France. Il voudrait rester ici, où il a déjà beaucoup d’amis depuis qu’il est arrivé il y a un an.

Il s’accrochait à ce qu’il pouvait garder d’espoir jusqu’à vendredi, lorsqu’il a été arrêté et conduit en détention dans un CRA (Centre de Rétention pour Adultes). Le CRA est juste là, derrière le tribunal. Comme s’il n’y avait littéralement qu’un pas entre les deux, qui n’attendait pour être franchi que la confirmation d’un juge qui obéit aux politiques de la préfecture.

La tension monte dans les soutiens qui tendent une banderole devant le tribunal. « Ils s’en foutent. » me dit une militante lorsque je lui propose de témoigner de ce qu’elle connait de l’histoire.

« Qui ça ?

– Tout le monde s’en fout. Les journalistes, les Français. La France s’en fout. »

Ibrahim, difficile d’imaginer dans quel état il se sent. Cela fait des mois qu’il se bat contre les institutions, pour son droit à vivre. Il a été assigné à résidence, il devait faire preuve de présence toutes les semaines à la préfecture en attendant son expulsion. Il n’a presque aucune carte en main mais il joue celles qu’il a. Sauf que ce n’est pas lui qui fait les règles. Il a fait un recours contre son assignation à résidence, qu’il a perdu. Entre temps, la loi a changé et l’échec de son recours porta de nouvelles conséquences. Sa procédure de dublinage se rallongea alors de six mois. Six nouveaux mois pendant lesquels il savait qu’il pouvait être expulsé du jour au lendemain, sans pouvoir rien y faire. Il espérait passer ces 6 mois dans l’oubli, qu’on mette son dossier de côté et qu’il ne soit pas renvoyé à temps. Il aurait alors pu à nouveau entrer dans la procédure normale et entreprendre les démarches de demande d’asile en France. Dans le fond, ce qui importe, c’est de ne pas avoir à retourner au Soudan. A Marseille, la vie n’est pas forcément facile, mais il a des amis, et l’espoir de ne pas lutter seul.

Finalement, les autorités ont essayé de le renvoyer au Soudan en octobre mais il a raté son avion. Il est donc considéré « en fuite » par le gouvernement, qui en a profité pour l’arrêter et le placer en détention en attendant un procès.

Le procès de ce matin, sans grande surprise, s’est mal passé. L’avocat commis d’office n’a pas su assurer sa défense. Il reste donc, jusqu’à nouvel ordre, enfermé au CRA en attendant son expulsion prochaine.

« On ne lâche rien. On va écrire à la préfecture, on a leur numéro de fax, on va insister jusqu’à ce qu’ils libèrent Ibrahim. »

Vous pouvez adresser un courrier de soutien à Ibrahim Osman Ali pour faire retirer la décision d’expulsion à ces emails : david.lambert@bouches-du-rhone.gouv.fr et pref-etrangers@bouches-du-rhone.gouv.fr (avec en copie collectifsoutienmigrantes13@riseup.net pour le transmettre à Ibrahim)